Il semble qu’à tout instant le plateau sur lequel roule notre véhicule pourrait basculer derrière le ciel, glisser comme une nappe qu’on retire d’une table.
Après quelques kilomètres, je ne sais déjà plus si l’espace qui compte pour nos vies est celui dans lequel nous sommes assis ou celui qui, au-dehors, caresse les vitres avec obstination.
Où est passé le réel ?
Je suis des yeux des choses que je ne vois pas.
Un guanaco court, affolé, le long d’une clôture sans fin.
Puis plus rien.
Plus rien n’est détachable de l’ensemble.
Le monde est devenu ce bloc titanesque teinté du bleu immense et d’une plaine d’ocres-gris qui sommeillent.
Juste un peu de buée, de temps à autre, devant les yeux. Rappel d’une existence qui ne vaut que par le chemin qu’elle suit.
Vers le Sud. Au-delà du visible.
Amériques, Argentine